Elle m’a abandonné

Cet après-midi, l’auxiliaire de puériculture qui s’est occupée de Mister A en pouponnière nous rend visite. Il a une place dans sa vie et réciproquement. C’est avec plaisir qu’on lui donne régulièrement des nouvelles et qu’on la retrouve cet après- midi.

On déguste des financiers au Nutella qu’elle a concoctés avec Mister A, tout en regardant les albums retraçant ses 3 premiers mois. Sur l’un des clichés du photographe, Mister A est porté dans les mains de quelqu’un et sa référente fait cette remarque : « C’est étonnant ça ! Pour les bébés abandonnés à la naissance, on fait attention à ne rien laisser paraître normalement ».

Plusieurs dizaines de minutes après, en plein jeu de « Uno », Mister A nous dit : « La dame qui m’a porté dans son ventre, elle n’était pas gentille ».
– Nous : « Mais pourquoi tu dis ça ? » On s’attend toutes les deux à la suite. Son auxiliaire lui a tout expliqué de l’adoption alors qu’il était nourrisson. Quant à moi, j’ai été préparée par l’ASE pour ne pas être étonnée et trouver les bons mots.
– Lui : « La dame qui m’a porté dans son ventre, elle m’a abandonné !»

Il y a de l’émotion dans sa voix qui se coupe. Je sens mon fils triste. C’est la première fois qu’il emploie ce terme si juste mais si dur pour un enfant d’un peu plus de 7 ans. Je lui prends la main. On lui reparle à deux de son histoire sans l’édulcorer mais en y voyant tous les bienfaits pour lui.
« Oui tu as été abandonné mais la dame qui t’avait dans son ventre t’a abandonné sans jamais te laisser seul. Elle t’a confié au personnel de la maternité en vue de préparer ton adoption. Elle s’est dit qu’elle ne pouvait pas s’occuper de toi et a choisi que tu aies des parents qui puissent te faire grandir. Elle a choisi pour toi une vie et un avenir qu’elle a pensé meilleurs. Elle s’est souciée de toi ».

Le soir, nous nous retrouvons tous les deux après le départ de sa référente. Il est dans mes bras. On se fait un câlin assis comme cela nous arrive souvent. Je profite de ce moment de complicité pour ré ancrer les éléments de son histoire dans un contexte positif : « Tu sais chéri, concernant ton abandon, rien n’est de ta faute. Tu n’as rien fait de mal. Tu étais un tout petit bébé. De suite après ta naissance on s’est occupé de toi. C’est par ton abandon que tu es devenu adoptable et c’est ce début d’histoire qui nous permet d’être une famille aujourd’hui ».

Je cherche à être cette maman qui rassure et sécurise. En fond sonore, la chanson d’Hoshy « Mauvais rêve » tourne. Elle évoque le harcèlement scolaire. L’ambiance devient un peu pesante. Je deviens cette maman qui serre fort son fils, la tête sur son épaule pour cacher son émotion car, je le sais, Mister va devoir composer toute sa vie avec cette réalité qui viendra parfois le questionner.

Notre quête

Il n’y a aucune nostalgie de notre part sur notre parcours pour devenir parents. Nous referions la même chose pour rencontrer notre fils. Il n’y a ni regret, ni tristesse, en pensant aux échecs de PMA. J’inclus dans cette réflexion, nos essais pour un deuxième enfant. Cependant, quand je regarde dans le rétroviseur de notre vie, je prends réellement conscience que notre trentaine a été émaillée par ce désir d’enfant. Nous avons passé un tel temps pour arriver jusqu’à son aboutissement ! Jamais je n’aurais lâché ce projet de vie. Je voulais tant être maman.

J’ai aujourd’hui quarante-deux ans. Je travaille dans une équipe essentiellement composée de femmes. Pour plusieurs d’entre elles, par choix, le projet d’enfant n’est pas forcément existant, voire n’existera jamais. Le delta est tellement grand par rapport à moi ! En effet, mi 2017, alors que nous venons d’adopter, le désir d’enfant revient en puissance. Nous sommes tellement ébahis et en admiration devant notre bébé qui nous comble de bonheur, que nous partons dans une nouvelle quête, celle d’un deuxième enfant. Je déteste les piqûres mais les lourds traitements de PMA, je les enchaîne sans me plaindre. Je m’accroche jusqu’au bout de mes forces, surtout psychologiques. Je veux tant que ça marche ! Après deux nouveaux échecs (troisième et quatrième TEC de la FIV 7), je me fais opérer de l’endométriose pour donner le plus de chance à notre dernier embryon. C’est un onzième revers. Toutefois, je suis archi obnubilée et déterminée à y arriver coûte que coûte. En octobre 2018, nous engageons une dernière FIV avec don d’ovocytes. C’est la huitième.

En décembre 2018, le chu nous contacte car une donneuse vient de nous être attribuée. Depuis 2 mois, je n’arrive pas à me relever moralement de notre dernier échec. Je suis épuisée. En recevant l’appel qui est une véritable surprise tant le délai est court, je décide qu’il faut mettre fin à la PMA, passer à autre chose, en commençant par prendre soin de moi. Je suis en train de craquer au niveau psychologique. Avec beaucoup de tristesse et d’ambivalence, sachant que c’est un choix de raison et non du cœur, je dis  » Ecoutez, je crois qu’on va annuler. Je suis fatiguée et je ne vais pas bien. » C’est très dur sur le coup mais nécessaire.
Dans les mois suivants, je donne tous les habits et l’équipement de bébé que j’ai mis  » au cas où » de côté « . Il faut refaire le processus de deuil d’un hypothétique deuxième enfant. Ça met quelques mois mais il est temps que notre quête s’arrête et qu’on vive dans le présent à trois.

Grandir

Lors d’un dernier article je disais que j’étais « fière de nous » et que je comprenais mieux Mister A. En fait, entre temps, j’ai reperdu le monde d’emploi de notre loulou ! En prenant du recul, c’est logique car ce qui marche un jour, ne marche pas toujours. Même s’il y a des petites régressions, qu’il faut accepter le temps que l’orage passe, Mister A grandit et change. J’ai l’impression qu’au niveau de son développement psycho émotionnel (oui ça fait très psy de dire ça) il y a eu un cap de passé juste après ses 4 ans. J’ai l’impression qu’on a franchi le pic du « terrible two » (cette petite adolescence entre 2 et 4 ans). Ce que je suis contente de ne plus autant mettre d’énergie au quotidien dans la construction de cette relation! Honnêtement il n’y avait pas le choix mais on a beaucoup donné sur le sujet. Cet été on a revu une psychologue pour enfants car il y a eu quelques expériences de journées  complètement affreuses qui font gentiment « sauter les plombs », « exploser la cocotte minute ». Ca nous a redonné des pistes pour que Mister A et nous évoluions plus sereinement.

J’ai compris à travers les difficultés qu’on a traversées ce qu’était en soi, dans ma chair (ou mon cœur), l’amour inconditionnel. Je le résumerais par cette phrase trouvée dans un livre enfant « Quand je te regardes et que tu me regardes, je me demandes quelle personne merveilleuse tu seras. Tu deviendras la personne que tu voudras et je t’aimerais toi, qui que tu sois ». Mister A avec ses fameuses antennes qui vont chercher dans les failles de ses parents m’a fait le cadeau de me faire évoluer avec lui depuis ses 22 mois.Il m’a fait découvrir des tomes entiers de réflexions autours des émotions et de la colère. D’ailleurs, on a une bibliothèque très fournies de livres jeunesse autours de ces sujets.

Pour Mister A, nous faisons attention à garder des rythmes et des rituels (heure de repas, routines sous forme de pictogrammes pour avoir un support visuel quand répéter ne sert à rien faute d’attention). Nous étions bohèmes, nous avions un enfant qui a 18 mois se  réveillait en souriant à minuit lors de nos vacances au ski pour une balade du chalet de nos amis vers le nôtre, ca c’est complètement fini. Maintenant, les changements d’habitude peuvent le déséquilibrer. En ce sens, le temps de prendre nos marques, le mois de septembre a été éprouvant entre les exigences ou résolutions que l’on se met avec la nouvelle rentrée et le changement de rythme. Au retour de la garderie périscolaire, nous avions un enfant fatigué (par moins de temps de sieste), un peu affamé (il ne mangeait pas à la cantine), excité de sa journée ; c’était le cocktail parfait pour avoir du mal à supporter les frustrations et partir en colère (ou pleurs de déchargement). Alors on a trouvé des astuces pour nous adapter à lui. Les principes de repas équilibrés ou de ne pas manger entre les repas, on les a mis sous le tapis. Ce n’est pas un combat éducatif qu’on a choisi pour l’instant. Notre enfant a faim à 18h alors c’est très simple, pour qu’il passe à autre chose, que l’un de ses besoins essentiels soit rempli et qu’on vive dans un climat agréable, il mange (un pitch, un gâteau, du Wasa avec du Kiri, une compote, on s’en fiche il mange). Ensuite on ne tarde pas à faire des repas ensemble assez tôt (avec une super appli de programmation de repas sur mon téléphone, qui m’a changé la vie, a baissé ma charge mentale) et s’il ne tient pas ,il mange avant. La faim chez Mister A c’est terrible, c’est ce qui le fait dégoupiller émotionnellement. Encore très récemment il n’arrivait pas à l’exprimer et face à un enfant complètement en crise, je passais à côté de la faim, pensant qu’il avait mal ou froid ou ne voulait pas marcher …. Bref, il a faim, il mange.

A l’école, on nous a dit qu’il n’avalait rien (on le pressentait, mais l’année dernière les retours n’étaient pas dans ce sens). Dès qu’on l’a su, en octobre, on a tenté de prendre les choses en main en le préparant mentalement au menu du lendemain. Chaque soir, on a listé ce qu’il allait manger (parce qu’il aimait), ce qu’il pouvait gouter (pour faire un effort) et ce dont il pouvait éventuellement s’abstenir. On s’est mis en position de coach alimentaire. Résultat,  à la veille de ces vacances de Noël, il goutte un peu de tout, même ces drôles de pâtes un peu comme des légumes (appelés salsifis). Les ATSEM nous ont indiqué qu’il faisait des efforts. Il a une sensibilité (odorat, gout, texture) que nous n’avons pas mais il évolue. Il a même tenté le poisson (à l’oseille), mais il a eu un reflexe de dégout. On verra plus tard le chapitre produits de la mer.  Pour le moment, à la maison, on s’éloigne d’un mètre de lui, non pas pour les gestes barrières mais parce que l’odeur du poisson semble vraiment gênante pour lui.

Niveau émotion et colère, nous avons toujours des chapitres de vie incluant cette thématique. Cependant, les colères sont moins fortes, moins longues et grand changement, Mister A arrive parfois à les tempérer. On était à une crise par jour en moyenne depuis ses 2 ans.  Pas juste « mon enfant me tape une fois », non, des sacrées crises. Aujourd’hui, on est à une crise par semaine. Le jour où je suis toute seule avec lui, mon mercredi de repos, est le moment idéal pour évoluer l’un et l’autre sur le sujet. C’est le jour culminant des « colères » et tentatives de régulation des émotions. Ma patience, mon empathie versus ma colère et mes émotions sont mises à rude épreuve. Face à une crise, j’essaie des choses pour tenter de comprendre ce qu’il vit, lui proposer des alternatives et puis à un moment, je perds patience et je crie parce que j’en ai marre moi aussi. Je ne me dis plus « mais pourquoi je suis là pour subir ça , c’est tellement désagréable », il a passé un cap, je le vois, ses progrès (et les miens un peu) sont notables. Y’a eu un déclic de sa part. Un mercredi, il s’est réveillé de la sieste et deux minutes après, il hurlait, il a tapé dans les portes, jeté des affaires .Quarante-cinq minutes d’enfant en rage que je n’arrivais pas à décoder car aucun mot ne sortait de sa bouche. C’était le tsunami émotionnel dans sa tête. Bref, à un moment il a dit « dessin animé ». Je lui avais expliqué avant qu’il se couche, que le mercredi soir, selon le déroulé de la journée, on verrait pour un dessin animé. Au réveil de la sieste, il pensait donc que c’était le moment et comme ça n’arrivait pas, il est monté dans les tours. Une fois les mots sortis, j’ai compris quel était le souci et j’ai reparlé : « Je t’avais dit que le dessin animé c’était ce soir. C’est pas encore le soir là. Le soir c’est quand la nuit tombera ». 5 minutes après cet échange, j’ai eu un petit qui est revenu vers moi en réclamant un câlin (et là c’est gagné, la tempête est passée, il demande à être apaisé) avec ces mots : « Mais maman, je savais pas moi que le soir c’est quand il faisait nuit ». Voilà, c’était la première colère qu’il a pu traverser par lui-même. Une première victoire à son actif, le début d’une évolution. Depuis, on a acheté des petits livres d’Isabelle Fillozat sur les colères qui illustrent notamment comment faire pour que la frustration soit moins difficile à vivre en proposant des alternatives.
Petit à petit à force d’en parler, lire et surtout essayer, s’entrainer,  je crois que ça rentre dans les reflexes de notre petit loup. Hier, il a juste tapé des pieds de frustration parce qu’une activité s’arrêtait. J’ai trouvé ça super et en plus je suis restée totalement impassible me disant, allez hop maximum 45 minutes à l’entendre et moi je reste zen. En moins de 10 minutes, c’était plié et il s’est ré installé à côté de moi.

Le point noir qui reste c’est la propreté. Hier sur j’ai entendu que des enfants n’étaient pas prêts que ce soit physiquement ou psychologiquement avant 4 ou 5 ans et que c’était pas grave alors, on va continuer à garder du lest. Mister A est propre seulement la commission c’est dans une couche et debout. Le pot il y a un an a fonctionné un mois mais aux vacances de Noël, nous n’avions pas emmené Son pot à notre destination. Résultat des courses, il s’est bloqué, ça a duré un mois avec des massages, de la kiné , des médicaments et pour finir un lavement et depuis on pense qu’il a peur. On essaie mais il n’a aucune envie, il a peur d’avoir mal et même s’il n’y a jamais eu d’accident et qu’il attend, on aurait envie de passer à autre chose. On a un pot qui fait des supers chansons, parle en 4 langues mais il est devenu trop petit. On tente de trouver des étapes intermédiaires, faire popo dans la couche mais en position accroupie (après l’échec de faire dans la couche sur les toilettes), c’est un sacré parcours. Pour le moment on n’a pas trouvé la clef à ce problème. Lors des vacances de Toussaint on a passé quelques demies heures en lisant des histoires, encourageant, ça a marché une fois, deux, mais ensuite c’est compliqué donc ça aussi on verra plus tard. Par contre si vous avez des idées nous sommes preneurs (les gommettes de réussite, la récompense ou la menace, on n’a pas essayer. La frustration de l’échec en plus récurrent, le petit gars n’aime pas, ça le bloque ou le déçoit de lui-même).

Alors que cet été, médecin et psychologue évoquaient peut être un TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec ou pas hyperactivité) en nous disant qu’au regard de son âge, il fallait se laisser le temps de l’évaluation, un diagnostic pouvant se faire qu’à partir de 6 ans, on semble s’éloigner du tableau clinique.  Mister A grandit plus sereinement. Il reste dynamique, bouge, a besoin de se dépenser physiquement mais il arrive à se concentrer, jouer seul plusieurs dizaines de minutes. Il nous écoute quand on lui parle, retient des petites poésies où écoute des histoires contées. Il est rock and roll au niveau de son caractère mais à l’école même si en début d’année il jouait de la air guitare électrique avec son copain, il apprend bien, il s’intéresse, il n’est plus en retrait et s’amuse bien avec les autres enfants, il est totalement intégré. Cet attachement parents enfant, si important, au début ambivalent résistant, semble être plus sécure. C’est super intéressant d’assister et contribuer à ce qu’il est et deviendra. Je suis sûre que nous avons tissé ce lien de confiance, amour, complicité quand il me fait des câlins tout doux et dit «  Maman je t’aime plus loin que les nuages ».

3 ans et demie au quotidien on retient aussi cela

Bonne année déjà à tous et toutes. Cette année 2020, j’ai beaucoup aimé les vœux d’un site que je suis et qui s’appelle  » Fabuleuses au foyer « . Je vous mets le lien. Je me reconnais pas mal dans ce que dit sa créatrice.

Je vous souhaite une année 2020 pleine de vie et unique, une année avec des imperfections car oui, nous faisons de notre mieux, nous apprenons, mais nous allons encore faire des erreurs. Pour celles qui sont mamans, d’être maman mais pas que. L’équilibre se trouve aussi avec d’autres facettes : celle de femme, d’épouse, d’amie, de fille, de copine, de créatrice, plein de jolies palettes de nous en quelque sorte. Sur cette année 2019, je deviens je crois une maman plus sécure pour Mister A (c’est son nouveau pseudonyme). J’ai encore du boulot, j’en aurais toujours, mais je me sens plus sereine dans mes positions parentales. Ça ne se fait pas tout seul. Nous sommes accompagnés par des professionnels après avoir crié « à l’aide ». Même si aujourd’hui ,nous gérons de sacrées crises dont on ne comprend pas tout le temps l’origine, on apprend à être ses parents. Mister A évolue et ça va continuer. J’ai aujourd’hui envie de vous décrire ses bons côtés, ce qu’on devine de sa personnalité.

Tout d’abord, Mister A est un petit garçon tonique et musclé. Avec son mètre dépassé et ses 16 kg, il est fier de dire qu’il grandit. Il a beaucoup de force et d’énergie. Il a besoin de se dépenser. Il aime courir, sauter, partir en balade dans la forêt. S’il me fait un câlin un peu à l’improviste alors que je suis assise en tailleur, il peut me renverser car il ne se rend pas compte de son impact. Plus tard, je l’imagine bien en demie de mêlée au rugby. Je me suis amusée à regarder sa courbe de croissance. A 18 ans il pourrait faire 1m80 et 68 kg. Ça devrait être la bonne stature!

C’est un petit garçon qui aime passer du temps avec ses parents. En séance chez la psychomotricienne, il a dit qu’il était content parce qu’il avait vu et joué avec son papa ce week-end. Le Man’ est là tous les soirs et le week-end mais Mister A apprécie les moments de partage tous les 3. Il les trouve trop rares et apparemment précieux. En ce qui me concerne, j’ai appris que j’avais une place privilégiée auprès de lui . J’ai dans mon portefeuille , des cartes représentant les différentes émotions. Un soir, Mister A prend celle d’amoureux. Je lui demande de qui il est amoureux. Je m’attendais a ce qu’il réponde « Coline » ,sa copine depuis ses 1 an. Non, il a dit (comme beaucoup de petits garçons je pense ) « de maman ». Oh, j’ai trouvé ça super chou.

Il adore les histoires. Nous lisons tous les soirs, des livres ou des magazines. Sa marraine l’a abonné aux « premières belles histoires » et nous à « l’école des loisirs ». Il a des livres porteurs de messages subliminaux pour nous aider à bien vivre ensemble. Il adore « Grosse Colère » et le dessin croqué du héros Robert lui ressemble! Il a eu sa période sur des ouvrages traitant de l’adoption qu’on avait achetés avant son arrivée, « la maman de Choco » notamment. Il aime aussi partir dans des imaginaires, à la découverte du monde. Le soir, on sait qu’il se relève pour regarder ses livres car le matin, on en a 2 ou 3 posés à côté de son oreiller. Il doit rédiger une revue de presse dans sa tête!

Depuis toujours, c’est un enfant qui apprécie la musique. Il a le sens du rythme. Il va lever le bras façon dj en pleine rave party, danser ou taper son pied pour marquer le tempo. Tout petit, il s’apaisait en écoutant Calogero et c’est toujours le cas. A la radio il reconnait les voix des chanteurs et les cite. Dans ma petite voiture citadine équipée d’un lecteur de cassette, c’est Brassens qu’il réclame et c’est plus spécialement « Gare au gorille ». Trois mois avant Noël il nous réclamait une guitare électrique et surtout pas acoustique. Lorsqu’il est monté sur les genoux du Père Noël, il a précisé :  » Tant pis si j’ai pas le costume de Capitaine America. Je voudrais une guitare électrique et un micro.  » Il a tout eu et depuis, on a des concerts plus ou moins harmonieux dans notre salon . Il se la joue auteur, compositeur, interprète heavy metal/hard rock en hurlant sur son premier opus qui se résume à deux phrases « Il voulait être roi, mais il ne le savait pas ». A 7h15 le week-end, la musique résonne dans notre maison. Ca déménage!

Le Man’ me dit que pour le moment il n’est pas du tout logique. Résoudre des problèmes ou faire des puzzles ne l’intéresse pas. Les loisirs créatifs ne sont pas non plus sa tasse de thé. On a dû sortir deux fois la pâte à modeler cette année. Il s’occupe beaucoup avec ses figurines de supers héros. Depuis qu’on a réceptionné les catalogues de Noël, il connaît Batman, Spiderman, Capitaine America ou Iron Man. Il joue avec les personnages et il se déguise très souvent à leur effigie. Il a appris en quelques jours comment faire la position des mains de Spiderman et c’est pas simple de plier deux doigts sur 5 à 3 ans et demi!

Depuis 6 mois, il a donné des prénoms à ses doudous. Nous avons Son doudou sous 3 exemplaires. Le plus récent s’appelle « Idric » et ses copies conformes mais plus abîmées (la tête est aplatie) se nomment « Iris ». La dernière peluche achetée, un singe orang-outan a eu « Harmonica » pour prénom. La musique encore et toujours! Le soir en plus de l’histoire, ses grandes peluches, le lapin, le zèbre, le dragon et maintenant « Harmonica » vivent de sacrées aventures !

Niveau langage, depuis 6 mois les apprentissages sont énormes. Il prononce des petites phrases ou expressions rigolotes car pas tout à fait juste. On le reprend mais on les note pour les garder en tête avant qu’elles ne disparaissent. Il sait conjuguer les verbes mais le verbe « être » reste compliqué : « Maman quand je sera grand je fera de la trompette et toi peut être du trombone (il mime les deux instruments et me bluffe, je me demande où il a enregistré ça). Il demande des yaourts « à la nature » (pour nature) et on trouve ça beau avec son papa. Il nous parle de la mort mais ça donne :  » Mémedith (son arrière grand-mère) elle est morte. Elle est au ciel. Elle est avec le père Noël peut être ? « . Les personnes âgées, la vie et la mort, le concept n’est pas évident. Dans un parc en ballade on a eu droit à ça :  » Nous on peut pas passer, la dame devant, elle est morte.  » « Non, chéri, c’est juste qu’elle ne marche pas vite, on la dépasse.  » « Non la dame elle ne bouge pas, elle est morte. » Le sans filtre si caractéristique où il dit ce qu’il pense ça peut être mignon mais aussi embarrassant.

Pour résumer, ce moment de l’enfance est unique. On avance avec lui, avec ce qu’il est, en gérant comme on peut le quotidien. Nos repas « pâte, jambon » sont fréquents mais on s’est dit que ce n’était pas le plus important. On vit des moments difficiles mais aussi heureux, vivants mais aussi énergivores. C’est le quotidien de notre parentalité et même de la parentalité adoptive avec je crois, un petit plus à vivre et à accompagner.

La fête de l’école

Hier on a eu la fête de l’école. J’ai posé mon après midi pour assister à ce petit moment pour mon bonhomme. J’ai rattrapé le raté quand mon mari m’a dit le matin : « ils étaient tous déguisés. Il avait juste son pantalon rouge, son tee shirt de père Noël, les autres avaient des bonnets. Il n’était pas content ce matin ». Ni une ni deux j’ai fait les boutiques. Je suis revenue avec le serre tête renne à guirlande clignotante (oui c’est vrai), des lunettes Rennes (dorées avec un nez rouge) et le fameux bonnet du Père Noël.

Les parents se sont installés, les enfants sont arrivés ensuite devant nous, sur des estrades, les grands, les moyens et les petits de la maternelle.

Il regardait ses pieds, il n’était pas bien. La maîtresse que nous avons rencontrée il y a quelques semaines nous a dit qu’elle n’avait pas entendu le son de sa voix, qu’il ne se mélangeait pas aux autres enfants durant les temps de classe. Je n’ai plus été étonnée, j’ai compris, il avait peur. Peur du monde, 80 enfants et leurs parents, le tout exité, content, bruyant.

En me voyant il a voulu venir me voir mais ce n’était pas possible. Il s’est mis à pleurer. Il avait besoin d’être rassuré. C’est bon, ça je l’ai maintenant décodé. Je n’allais pas faire la mère de famille poule puis c’était compliqué pour un groupe donc je lui ai envoyé des bisous qui s’envolent, je lui ai parlé fort de façon apaisante,il pleurait et commençait à taper autours de lui. La maîtresse est allée l’installer auprès de son atsem, ça a déjà été beaucoup mieux. Il était dans le groupe des enfants à rassurer. Il a pleuré et a regardé dans le vide durant les 20 minutes de représentation de la petite chorale.

Je l’ai récupéré dans un état de mal être. D’abord il s’est accroché à mon cou puis ensuite il s’est débattu quand nous avons essayé d’aller manger un bout avec les autres. Marche arrière, tentative de câlin, de contention, le tout en l’isolant vers un côté de la salle de jeux qui était quasi vidée. Il s’est débattu comme à son habitude je pourrais dire. Je me suis dit attention à mon dos avec ses 15 kg et son mètre dépassé pour ses presque 3 ans et demie, ça va être physique. Certains parents ont été étonnés de nous voir dans ce moment. D’autres ont compris qu’il avait besoin d’apaisement. La maîtresse vraiment douce, aidante, nous a proposé d’aller en classe et comme moi elle lui a parlé : « ça faisait beaucoup de monde pour toi, ça a été difficile c’était trop et je crois que tu as eu peur. Tu es avec ta maman dans la classe, tout va bien. Regardes, tu peux t’installer à la petite bibliothèque et vous pouvez lire un livre ». Il avait les yeux rougis, le nez réclamant l’aide de mouchoirs. Opération mouchage, câlin, mots d’apaisement. Il a commencé à se détendre, à parler car avant ce n’était que des gestes d’agressivité (les griffures, les petits poings) et des sons ressemblant à des grognements.

Une fois détendu on est ressorti. La fête était un peu finie et drame il n’y avait plus de gâteau. Il m’en parlait avant qu’il parte en pleurs donc cette fois c’était la frustration qui l’a remis en difficulté. J’ai eu droit à l’enfant qui se laisse tomber façon poids mort. On nous a trouvé des Délichocs et un Célébration. On est reparti au plus vite de ses capacités (15 minutes) pour changer d’univers et gérer la frustration. On s’est arrêté à la boulangerie pour ce que j’ai appelé une « chocolatine de Noël ». J’ai pris un café. On s’est attablé sur des tables hautes. C’est bon la crise ou les crises étaient passées.

Je n’avais pas pensé que ça allait se dérouler comme ça mais maintenant je crois que c’est bon, je le comprends, je ne prends pas ses réactions de façon personnelle. Il a fait des progrès mais il reste ce petit garçon insécure. J’ai compris, il a besoin d’un environnement qu’il connaît ou s’il ne le connaît pas pour le moment il est rassuré quand il a sa base d’attachement à ses côtés ( c’est nous ça). Celle sur laquelle il va se reposer ou exprimer ses sentiments. Quand notre petit garçon est insécure, il se débat de tout son corps. J’ai compris qu’il allait progresser et aussi régresser de façon plus ou moins importante et qu’on avait à le soutenir.

Je sais aussi que ce soir, en allant le chercher à la garderie, parce que j’arrive tard et qu’il n’y a plus trop de monde,il parle, il joue avec les autres enfants, il rigole, il s’amuse.

Il grandit, on grandit. Il apprend, on apprend.

« Je vais m’en occuper » (partie 2)

Je vous ai laissés avec papi en mode furie contre A et notre discussion apaisée après les colères de chacun.

Nous sommes retournés 3 semaines plus tard à la campagne. Il me semble que c’était un bon week-end pluvieux mais sur notre semaine de congés.

Le matin au petit déjeuner, Mister A a renversé son bol tout chaud de lait, ce qu’il ne fait jamais. J’ai pourtant prévenu que c’était dangereux mais bon, il a testé. Tout s’est déversé sur les meubles de cuisine, dans le four, le sol. On n’était pas content mais on ne l’a pas fâché. On a plus été étonné mais À est parti en crise de colère. Papi était parti acheter des viennoiseries. De quoi avait besoin À ? Je ne sais plus mais bim, bam, boum, la frustration, la déception, le fait peut être d’avoir commis « une erreur » c’était pour moi. J’ai du avoir mes habituels petits coups de poing au niveau des fesses mais surtout son corps était plein de cette colère, celle qui explose en lui. Je l’ai contenu physiquement 20 minutes. Ça fait beaucoup de sollicitations physiques pour moi et mon gabarit. Il a une de ces forces ! Il jette ses pieds, essaie de me griffer. Je lui bloque donc tout ce que je peux pour le contenir dans une pseudo position tailleur. Ça marche, ça ne marche pas. Et en même temps je lui parle.. Bref ça ne marchait pas ce matin là et puis au petit dejeuner en tant que parents on avait déjà les yeux bien ouverts, l’un limitant les dégâts de la chute du lait, l’autre contenant vigoureusement A (qui ne s’était pas brûlé bien entendu) .

De retour de la boulangerie, papi est arrivé et a encore vu le bazar familial au milieu de son couloir. Il a pris dans ses bras À et lui a dit : « Mais qu’est ce qui te mets dans cet état ma puce ? Allez viens, on va aller en bas, on va aller jouer tous les deux ». Quelle avancée en 3 semaines !

Le reste de la journée, ça a été « royal ». A s’est amusé avec son papi et sa compagne. J’ai eu toute l’après midi pour vaquer à mes envies et mes occupations. J’y arrive par touches mais là, j’ai avancé dans les créations de bijoux.

En vue de mon marché de Noël, j’ai créé une cinquantaine de petits boutons en tissus nécessaires à mes « attrape chouettes, mini attrape chouettes ou licornes ».

Donc cette journée là c’était le grand luxe, j’ai fait ce que je voulais, je n’étais pas en hyper vigilance.

En partant le dimanche soir papi a même dit « N’hésitez pas à revenir, si on peut vous aider. Comme ça vous faites ce que vous voulez, et nous on s’occupe du petit ».La semaine d’avant mon beau frère avait eu la même attitude sur mon week end solo et avait convaincu son père de cette vision des choses.

La visite à domicile de l’assistante sociale

Aujourd’hui c’est notre deuxième rendez-vous avec l’assistante sociale. Elle vient à notre domicile pour continuer son enquête et évaluer nos conditions matérielles pour l’accueil d’un futur enfant. Cet été, lors du premier rendez-vous, j’étais tendue par l’enjeu. J’avais fait une insomnie la veille de notre rencontre. J’avais le ventre noué à l’idée que de nos échanges allait se jouer un pan important de notre vie.

Un mois est passé. Nous sommes vendredi, c’est un jour de RTT pour moi, donc ce matin, je passe au peigne fin l’ensemble de notre maison. Je laisse le bazar du quotidien. Il est hors de question de se montrer sous un autre jour. Cependant, je cède à la tentation de nettoyer tous les sols ! Objectivement cela n’apportera rien mais me voilà à astiquer chaque mètre du parquet flottant de notre étage avec des lingettes de cire. C’est assez ridicule mais en occupant mes mains, j’évite de trop penser. Bon, je ne m’attaque tout de même pas au lessivage des vitres qui attendront leur nettoyage annuel !

13h, le Man’ sort du travail puis on guette l’arrivée à la maison de l’assistante sociale. On « révise » un peu les idées importantes que l’on souhaite développer.

Je ne suis pas des plus à l’aise lorsqu’elle passe la porte. Je pense qu’un intérieur de maison reflète des personnalités et j’ai envie qu’on arrive à transmettre les nôtres lors de ce second entretien.

On a déjà évoqué les bases administratives de notre situation : métiers, ressources, charges principales, employeurs ainsi que notre parcours vers l’adoption. Là, il faut plus se dévoiler sur notre éducation, nos passages de vie difficiles, la façon dont nous les avons surmontés. Ce n’est pas simple de s’adonner à cet exercice. Ce n’est pas naturel et c’est même assez intime.

Je stresse, je manque de spontanéité car exerçant dans un domaine professionnel proche, je perçois les attendus derrière chaque question.

Je sens qu’elle veut se faire une idée de nos valeurs éducatives, de notre comportement et nos attitudes en situation de parentalité. Les questions qu’elle soulève me paraissent surprenantes tant les réponses me semblent évidentes. C’est celles que je peux poser lors d’agréments d’assistantes maternelles lorsque j’ai besoin de lever des doutes, de tester les capacités d’adaptation. Je me sens donc complètement évaluée.
L’adoption c’est le droit pour un enfant d’avoir des parents adaptés à sa personnalité et à ses besoins. Je sens cette notion de « contrôle social » à travers ses demandes du type : « S’il prend des CD sur votre étagère, que faites-vous ? S’il dessine sur vos chaussures neuves avec un feutre, qu’allez-vous faire ? »

En deux heures cinquante, on évoque beaucoup de choses : la vision que l’on a de nos parents, les liens avec notre fratrie de notre premier âge à aujourd’hui, ce que nous aimerions transmettre ou pas de notre éducation. En parlant de nos enfances respectives, j’ai l’impression qu’elle valide les paroles du Man’ alors qu’elle insiste sur des moments de ma vie qui me paraissent anecdotiques : la garderie du soir, le choix des activités de loisirs. Je réponds de façon sincère sur mes ressentis mais les souvenirs datent d’il y a trente ans.

Je crois que c’est en deux ou trois entretiens qu’elle doit se faire une idée de nous alors nous sommes un peu poussés dans nos retranchements, invités à préciser nos réponses. Elle nous répète qu’avoir un enfant et surtout un enfant par adoption, « c’est carton ». Comme on en a très envie, au fil de notre échange on lui indique qu’on saura trouver l’équilibre entre sécurité, limite et attention pour rendre notre vie à trois des plus harmonieuses. On ajoute que si cela n’est pas suffisant, on se fera aider.

Avant de partir, elle fait le tour de toutes les pièces de la maison. En fermant la porte, avec le Man, on souffle un grand coup. On a remué nos souvenirs, raconté notre rencontre, parlé de nos parents dont mon papa décédé. On a donné de notre personne. On a mis tout notre cœur pour détailler et argumenter notre souhait de devenir parents par adoption. On est bien fatigué mais satisfait de nos propos qui reflètent bien nos histoires, notre couple et notre projet d’adoption.

Ne plus suspendre son bonheur au désir d’enfant?

Depuis toute petite, je rêve d’être maman, d’avoir des enfants. Sur cette dernière année, il n’y a plus de FIV. Nous commençons les démarches d’adoption.  Je ressens une lassitude et des angoisses en me confrontant à la réalité de notre vie à deux, encore pour plusieurs mois.

Il est vrai que depuis trois ans, mon moral vacille en fonction des résultats encourageants ou pas des FIV. Je me rappelle du soulagement ressenti quand on nous prédisait un bébé éprouvette et de ma sérénité retrouvée en me disant à chaque échec : « allez, dans trois mois on recommence ».

Quand on a voyagé loin, dans des destinations dont beaucoup rêveraient, dans mes pensées c’était toujours en attendant la suite, le vrai bonheur : une grossesse. Sur place j’étais confiante, je profitais mais revenue en France je tombais à chaque fois de haut, sujette à du stress.

Créer ma famille c’est l’un de mes projets de vie (et c’est ce qu’il faut pour entreprendre sept FIV et un parcours d’adoption). La famille c’est l’un de mes socles, l’un de mes bonheurs et il me paraît insupportable, à l’heure actuelle, de ne pas faire en sorte que le Man’ et moi et élevions notre enfant.

Dans le discours courant, quand elle est désirée, la naissance d’un enfant est source de joie. Les femmes évoquent ensuite leur progéniture en décrivant que « c’est la plus belle chose qui leur soit arrivée ». Je ne suis pas maman mais je suis devenue tatie et je n’ai pas échappé à ce phénomène. Quand mon premier neveu est né, je me suis trouvée plusieurs temps comme sur un nuage. De fil en aiguille, en me construisant à partir de ces discours, j’ai eu l’impression que devenir parent me permettrait d’atteindre un état de plénitude.

Je crois avec du recul que devenir parent c’est un cap et un autre bonheur. C’est une autre vie. Mieux ou moins bien que maintenant, je ne le sais pas. Je pressens que c’est un sacré challenge de devenir responsable d’un petit être, de l’aider à grandir, d’être présent pour lui. Au fond de moi-même si je le sais, je l’occulte. J’ai pour le moment une image tronquée et édulcorée de la parentalité.

Désormais, il est temps de penser à autre chose qu’être une future maman. Il faut que j’arrive à lâcher cette idée qui m’obsède depuis plusieurs années. Il faut que j’arrive à me réaliser différemment et dans le présent. Aujourd’hui, il est fondamental de me trouver d’autres projets, de réorganiser mon emploi du temps. Quelques idées me viennent : m’inscrire au yoga ou à l’escalade, passer en couple des paliers en plongée histoire de se balader dans de beaux lagons en profitant de notre épargne.

Si nous partons vers l’adoption internationale, il sera toujours temps de faire un crédit.

Pistes de compréhension des échecs de FIV : retour de la biopsie de l’endomètre

De façon empirique, les échecs de FIV apportent de nouvelles informations. Au prix de déception, elles permettent d’ajuster les protocoles.

On sait depuis notre troisième FIV, que l’endométriose gêne la production des ovocytes. Grâce à plusieurs mois de ménopause artificielle et donc un arrêt total des règles avant chaque nouvelle tentative de stimulation, on limite désormais toute inflammation ou flambée de la maladie. On obtient depuis une demie douzaine d’ovocytes sur mon ovaire fonctionnel.

Depuis la quatrième FIV, face à un nouvel échec, on suppose que nos embryons sont de mauvaise qualité puisqu’ils ne s’implantent pas.

Aujourd’hui, en cherchant ailleurs, dans des pistes scientifiques peu explorées, on est sûr que des problèmes immunitaires existent. Révélés grâce à la biopsie de mon endomètre, faite en période d’implantation, ils peuvent expliquer à eux seuls, nos échecs de FIV. Le laboratoire de Paris (protocole Matricelab) l’écrit noir sur blanc. Mon endomètre a « une activation immunitaire excessive aggravée par des cellules utérines hyper actives. Ceci crée une activité locale trop intense et peut participer aux échecs d’implantation ».

L’avantage de ce retour, c’est qu’une stratégie médicamenteuse est préconisée même si elle est encore expérimentale. Je rigole nerveusement en voyant qu’il y a quatorze lignes d’explications sur la posologie à suivre ! En effet, en moyenne, une petite dizaine de médicaments sont à prendre quotidiennement. Il va falloir être sacrément organisés car leur administration change en fonction des jours du cycle menstruel et des moments de la journée. Autrement ça ne serait pas drôle !

Nous remercions les chercheurs qui se penchent sur de nouvelles pistes pour les couples en échecs de PMA. Avec de tels résultats d’examens, je peux considérer mon infertilité comme une maladie. Elle n’est liée à un souci psychologique ou autre blocage inconscient que certains voudraient m’attribuer et qui n’ont pour effet que de culpabiliser. A travers ses résultats, la recherche m’apporte du réconfort. Nous restons la tête froide. Rien n’est gagné. Par contre, connaitre ces soucis immunitaires va permettre maintenant de les traiter.

Ce qui se dessine apporte de l’optimisme mais va de nouveau demander un sacré investissement. Il va falloir trouver l’énergie pour espérer à nouveau un enfant biologique.

 

L’émotion où on ne l’attend pas

J’ai besoin de légèreté après la réunion au département qui m’a au premier abord sidérée. Pour m’imprégner un peu plus de l’adoption, je recherche une approche par le biais des livres.  Me voilà à consulter le site d’une librairie en ligne et plus spécifiquement la section jeunesse. Mon attention se porte sur un support imagé pour les enfants de moins de sept ans. Le titre « Une famille pour Duvet » me paraît généraliste. La première de couverture présente des illustrations un peu vieillottes. A priori, il s’agit juste d’une histoire anodine où des lapins qui n’arrivent pas à avoir d’enfant vont devenir parents par adoption de « Duvet ».

Le site me permet de feuilleter le début de l’ouvrage. Dès la première page, je suis touchée. Les paragraphes m’interpellent. Cette histoire ressemble tellement à la nôtre ! Je prends soin de reprendre ce qui est écrit.
En page 1 : « Au pays des lapins Fanny et Pistache habitent dans un terrier (…) ; Les pies passent et jacassent mais Fanny ne les écoute pas. Fanny rentre dans son terrier. Elle va pleurer en tournant la soupe qu’elle fait cuire sur le feu. Fanny pleure parce qu’elle n’a pas de petit lapin dans son terrier. Dans son ventre, et les couloirs du terrier lui semblent vides »

En regardant le site du revendeur, on accède à la seconde page. Elle illustre le texte.
En page 2, Fanny la lapine apparaît. Elle pleure devant sa cheminée, un balai à la main. C’est un peu suranné cette distribution dans les tâches du quotidien. Fanny aurait pu faire des bijoux mais non, elle fait le ménage. A mon avis, ce n’est pas le mieux pour se changer les idées ! Cependant, je ne m’attarde pas sur cela. Ce que je perçois à travers le dessin, c’est un regard vide, une tristesse profonde face au désarroi de ne pas connaître la maternité. Avec le filtre de notre parcours, Fanny me représente à travers ses ébranlements. Je pleure du fait du trop-plein de chagrin qui m’envahit. Fanny me ramène à nos échecs de PMA.

Vue ma réaction si vive, dans la semaine, j’achète dans une grande librairie, le livre broché. En découvrant la suite, l’émotion est encore au rendez-vous.
En page 3, on voit les deux lapins, Fanny et Pistache se serrer fort. Ils cherchent des solutions face à leur désir d’enfant. C’est tout à fait nous quand je me sens perdue. Quand je suis submergée par la peine, c’est dans ses bras que le Man’ essaie de me réconforter. 

Les similitudes entre nos histoires croquées et réelles ne s’arrêtent pas là. Le livre est gorgé de points communs. Une fois la vague d’émotion passée, je me dis que les albums illustrés vont être un support pour distiller l’adoption auprès de nos plus petits neveux. Âgés de deux et six ans, je ne sais pas s’ils se demandent pourquoi tonton et tatie n’ont pas de bébé.